Philippe Bruneau
Le monde de la musique traditionnelle du Québec est en deuil, Philippe Bruneau, chef de file, référence de l’accordéon et compositeur émérite, s’est éteint dimanche à l’âge de 76 ans après avoir lutté durant deux ans contre le cancer. Il était l’un des derniers des vrais, de ceux qui avaient précédé la vague trad sans en avoir profité: un géant qui avait tout connu depuis les années 50, un Canadien errant qui a terminé sa vie à Forcalquier, en France, où il s’était installé depuis deux décennies.
Depuis l’annonce de sa mort, les hommages fusent: «Philippe Bruneau est un maître incontesté du répertoire traditionnel québécois, il a fait école et a contribué à la valorisation de notre patrimoine musical tout en y apportant un riche héritage par ses créations originales. Elles sont devenues avec le temps des classiques contemporains», écrit Gilles Garand, le président de la Grande Rencontre. «Sa musique était sérieuse, rigoureuse, profondément urbaine et ancrée dans le vécu du monde ouvrier», renchérit le documentariste André Gladu.
L’ensemble de l’oeuvre de Philippe Bruneau a fait apparaître l’étincelle de profondeur enfouie dans folklore québécois: «Philippe a été pour moi un initiateur, un père spirituel. Il accordait à toute musique, et particulièrement à toute musique folklorique transmise de génération en génération, une dimension sacrée, branchée sur l’infini», constate Michel Faubert.
À travers ses 300 compositions, Philippe Bruneau fut un visionnaire: «Il a été le modèle de toute une génération d’accordéonistes. Il fut le premier joueur de mélodéon québécois à s’aventurer dans le concert. Il a tenté contre vents et marées, avec ses coups de gueule et sa détermination, de définir un son québécois», analyse Marc Bolduc, coanimateur de Tradosphère à CIBL.
La regrettée Dorothée Hogan avait remarqué chez Bruneau, un esprit pour le moins vibrant: «C’est rare de trouver des gens comme lui qui sont prêts à sacrifier leur vie pour la beauté», répétait-elle souvent au sujet de cet homme sans compromis qui possédait aussi tous les secrets du rythme. Le gigueur Pierre Chartrand se rappelle: «J’ai jamais eu autant de plaisir à danser que sur sa musique. J’ai jamais retrouvé ça ailleurs: un accord si parfait de la danse avec la musique.»
Mais, à l’instar de plusieurs grands artistes, son combat fut celui d’un solitaire: «Merci pour les sacrifices que tu as faits pour ton peuple qui n’a pas su te reconnaître à temps», exprimait hier sa fille Joanne Bruneau par voie de communiqué. L’histoire le réhabilitera, à commencer par cet autre témoignage de Francine Brunel-Reeves: «Quel incroyable héritage il nous laisse! Les gens d’ici n’auront jamais fini d’en prendre la mesure … c’est un héritage éternel, il n’y a pas d’autres mots». En effet!
[Source : http://www.ledevoir.com/culture/musique/328985/la-musique-perd-un-geant-du-trad]